Les chicorées scarole et frisée figurent parmi les légumes feuilles les plus appréciés du potager d’automne et d’hiver. Ces salades rustiques appartiennent à la famille des Astéracées et offrent une alternative savoureuse aux laitues traditionnelles. Leur culture relativement simple et leur capacité à résister aux premiers froids en font des alliées précieuses pour prolonger les récoltes de salades jusqu’au cœur de l’hiver.
En guise d’introduction
Contrairement aux idées reçues, cultiver ces chicorées ne requiert pas d’expérience particulière. Avec quelques connaissances techniques et un minimum d’organisation, tout jardinier, amateur comme expérimenté peut obtenir de belles récoltes échelonnées sur plusieurs mois. Cet article vous accompagnera pas à pas, du semis à la récolte, en passant par les techniques de blanchiment qui révèlent toute la finesse gustative de ces légumes.
Classification et caractéristiques des chicorées
Origine botanique et histoire
Les chicorées scarole et frisée appartiennent à l’espèce Cichorium endivia de la famille des Astéracées. Cette distinction les sépare nettement des chicorées sauvages (Cichorium intybus) qui donnent les endives (chicons). Leur histoire remonte à la préhistoire, où elles étaient déjà consommées par nos ancêtres. Les Grecs et les Romains utilisaient davantage les racines, tandis que les feuilles servaient aux infusions médicinales. Au fil des siècles, la sélection variétale a privilégié les formes aux feuilles plus développées et à l’amertume atténuée.
Différences entre scarole et frisée
Bien qu’elles partagent la même espèce botanique, scarole et frisée présentent des caractéristiques distinctes qui influencent leurs techniques de culture et leurs utilisations culinaires.
La chicorée frisée (Cichorium endivia var. crispum) se reconnaît immédiatement à ses feuilles finement découpées, presque dentelées, qui lui donnent un aspect ébouriffé caractéristique. Son amertume assez marquée réveille les papilles et sa texture très croquante en fait l’ingrédient idéal pour les salades composées. En culture, elle nécessite un espacement d’environ 25 centimètres entre les plants et le blanchiment s’avère quasi indispensable pour obtenir un cœur tendre et moins amer.
La chicorée scarole (Cichorium endivia var. latifolium) présente des feuilles larges et lisses, moins découpées, formant une rosette compacte qui rappelle celle d’une laitue pommée. Son goût bien plus doux que la frisée offre une amertume subtile et nuancée. Sa polyvalence culinaire permet de la consommer aussi bien crue que cuite, braisée ou en soupe. Plus volumineuse que sa cousine, elle requiert un espacement de 30 à 50 centimètres entre les plants.
Valeurs nutritionnelles et bienfaits
Ces légumes présentent un profil nutritionnel intéressant : faibles en calories, riches en vitamine C, calcium, fer, potassium, oligo-éléments, fibres et minéraux. La chicorée possède des propriétés dépuratives notamment hépatiques et favorise la digestion grâce à sa richesse en inuline. Cette composition en fait des alliés précieux pour l’alimentation hivernale, apportant fraîcheur et nutriments essentiels lors de la saison froide.
Variétés recommandées
Chicorées frisées
Parmi les variétés de frisée les plus appréciées, ‘De Meaux’ forme une pomme volumineuse au cœur plein, blanchit facilement et résiste bien à la chaleur et la sécheresse. La variété ‘D’été à cœur jaune’ se distingue par sa vigueur et sa productivité, formant une pomme compacte également résistante aux conditions estivales difficiles.
Pour les récoltes tardives, ‘Wallonne’ et ‘D’hiver de Provence’ offrent une excellente résistance au froid, permettant des récoltes jusqu’en début d’hiver sous protection légère.
Chicorées scaroles
La ‘Géante Maraîchère’ développe une pomme blonde, serrée et volumineuse, particulièrement adaptée aux jardiniers débutants grâce à sa facilité de culture. Le ‘Cornet de Bordeaux’ se destine aux semis de juin-juillet pour des récoltes de novembre à janvier, ne gelant pas à maturité malgré son feuillage croquant et fort en goût.
Pour les climats froids, ‘Cornet d’Anjou’ et ‘Grosse Bouclée’ ne craignent pas le froid et s’adaptent à tous les climats. Ces variétés rustiques constituent un choix sûr pour les régions aux hivers rigoureux.
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Techniques de semis
Périodes optimales
Le calendrier de semis s’échelonne de février à octobre selon les variétés et les régions. La période privilégiée court de juin à juillet pour une récolte automnale et hivernale. Cette planification permet d’éviter les fortes chaleurs estivales qui provoquent la montaison prématurée.
Pour des récoltes précoces, les semis de février-mars en pépinière sous protection donnent des résultats dès mai-juin. Les semis d’été, de mai à août, assurent l’approvisionnement automnal et hivernal. Les semis tardifs, d’août à octobre, nécessitent une protection sous serre ou châssis dès que les températures descendent sous 18°C.
Conditions de germination
La temperature de germination constitue un facteur très important : minimum 16°C, optimale entre 18-20°C. Au-dessus de 25°C, la germination devient aléatoire. Cette exigence thermique explique pourquoi les semis estivaux réussissent mieux à mi-ombre ou dans des emplacements frais du jardin.
Une levée rapide s’avère cruciale pour éviter la montée en graines prématurée. La germination intervient généralement entre 2 et 12 jours, les chicorées levées en deux-trois jours présentant moins de risques de montaison.
Méthodes de semis
Semis en pépinière
Le semis en contenants (alvéoles ou terrines) offre un meilleur contrôle des conditions. Remplissez les contenants de terreau fin, tassez légèrement et humidifiez uniformément. Répartissez généreusement les petites graines, recouvrez délicatement de terreau et ré-humidifiez. Placez à température confortable, idéalement en véranda ou serre froide.
Après 15 à 30 jours, éclaircissez à un plant par alvéole, les jeunes pousses excédentaires pouvant être consommées. Cette méthode permet un repiquage des plants les plus vigoureux au stade optimal de 4 à 5 vraies feuilles.
Semis direct
Le semis direct en pleine terre reste préférable car il limite les risques de montaison. Préparez soigneusement le lit de semence en désherbant et griffant la surface. Creusez des sillons d’un centimètre de profondeur, espacés de 40 centimètres.
Tassez le sillon en le piétinant, semez clair pour la scarole et plus serré pour la frisée. Recouvrez légèrement en griffant et arrosez généreusement. Maintenez l’humidité constante jusqu’à la levée complète.
Plantation et repiquage
Préparation du sol
Les chicorées s’accommodent de la plupart des types de sol, même légèrement lourds ou calcaires. Elles apprécient cependant un substrat riche, profond, meuble, bien drainé et frais. Un apport de compost bien mûr à la plantation suffit, ces cultures ne réclamant pas une richesse excessive qui pourrait favoriser le développement du feuillage au détriment de la pommaison.
Un sol modérément profond de 10 à 15 centimètres convient parfaitement aux chicorées frisée et scarole. Travaillez le sol sur cette profondeur en incorporant le compost, puis nivelez et raffermissez légèrement avant la plantation.



Technique de repiquage
Le repiquage s’effectue quand les plants présentent 4 à 5 vraies feuilles. Arrosez copieusement la pépinière la veille pour faciliter l’extraction des plants. Sélectionnez les plants les plus vigoureux, coupez l’extrémité des racines et raccourcissez les feuilles de moitié pour limiter le stress de transplantation.
Respectez un espacement de 25 centimètres entre les plants de frisée et de 50 centimètres entre les scaroles. Creusez des trous légèrement plus larges que la motte, installez les plants sans enterrer le collet et tassez délicatement. Arrosez immédiatement et abondamment pour favoriser la reprise.
Échelonnement des plantations
Pour assurer des récoltes continues, échelonnez vos semis et plantations toutes les 2 à 3 semaines de mai à août. Cette chronologie permet de disposer de chicorées à différents stades de développement et d’étaler les récoltes sur plusieurs mois.
Commencez par les variétés précoces en mai-juin, poursuivez avec les variétés de saison en juillet-août, et terminez par les variétés tardives jusqu’en septembre pour les récoltes d’hiver.
Conditions de culture et entretien
Exposition et protection climatique
Au printemps et en automne, privilégiez un emplacement ensoleillé. En été, la mi-ombre devient préférable car ces cultures redoutent les fortes chaleurs. Vous pouvez créer artificiellement cette mi-ombre en disposant des cagettes retournées au-dessus des jeunes plants.
Cette exigence s’explique par le paradoxe des chicorées : elles nécessitent de la chaleur pour germer mais n’apprécient pas les températures excessives pendant leur développement. Un compromis entre chaleur et fraîcheur s’avère donc nécessaire pour optimiser leur croissance.
Arrosage et gestion de l’humidité
Ces cultures gagnent vraiment à rester humides le plus possible. Maintenez un sol frais grâce à des arrosages réguliers, en évitant toutefois de détremper le substrat. Tâtez régulièrement le sol pour vérifier les besoins réels avant d’arroser.
Évitez de mouiller le feuillage, particulièrement lors du blanchiment, pour limiter les risques de maladies cryptogamiques. Préférez un arrosage au pied, de préférence le matin pour permettre un ressuyage avant la nuit.
Paillage et protection
Le paillage s’avère recommandé en été pour maintenir l’humidité du sol et en hiver pour protéger du gel. Utilisez des matériaux fins (paille hachée, tontes séchées) qui ne risquent pas de se mélanger aux feuilles lors de la récolte. En hiver, protégez les cultures avec un tunnel plastique, en ajoutant des feuilles sèches par grand froid.
Fertilisation et amendements
Ces légumes feuilles apprécient les apports azotés modérés. Comme toutes les plantes foliacées, elles bénéficient d’apports azotés, sans jamais exagérer sous peine d’obtenir des plants fragiles. Un poudrage au lithothamne tous les 15 jours, lorsque les plants sont suffisamment développés, renforce leur résistance aux maladies.
Entretien
Effectuez régulièrement binages et sarclages pour aérer le sol et éliminer les adventices concurrentes. Ces opérations, menées par temps sec, favorisent l’infiltration de l’eau et l’aération racinaire. Supprimez également les feuilles abîmées ou jaunissantes qui pourraient constituer des portes d’entrée pour les maladies.
Les associations
Les chicorées s’entendent bien avec les carottes, radis, haricots, laitues, concombres, courges, navets, pois, poireaux, aneth, épinards et roquette. En revanche, éloignez-les des asperges et des choux. Plantez-les à proximité des épinards et de la roquette pour optimiser l’espace.



Technique du blanchiment
Principe et intérêts
Le blanchiment constitue une technique visant à réduire l’amertume et attendrir le cœur des chicorées. Il consiste à priver de lumière la partie centrale de la plante, provoquant l’étiolement des feuilles du cœur qui deviennent plus tendres et moins amères.
Pour la chicorée frisée, le blanchiment s’avère quasi indispensable, tandis que pour la scarole, naturellement plus douce, il reste facultatif mais améliore encore sa tendreté.
Quand blanchir
Procédez au blanchiment 10 à 15 jours avant la récolte prévue. Cette période permet un étiolement suffisant sans risquer la pourriture du cœur. Choisissez une période de temps sec pour débuter l’opération et éviter l’humidité stagnante sous les protections.
Méthodes de blanchiment
Liage des feuilles
La méthode traditionnelle consiste à rassembler les feuilles extérieures et les lier au sommet avec du raphia ou une ficelle. Ne serrez pas trop le lien, l’objectif étant de regrouper les feuilles en laissant l’air circuler. Cette technique simple convient parfaitement aux petites surfaces.
Couverture opaque
Utilisez une cloche opaque, un pot en terre cuite retourné ou un mini-tunnel opaque. Veillez à boucher le trou de drainage des pots pour éviter l’entrée d’eau, mais surélevez légèrement les protections pour permettre la circulation d’air. Vous pouvez également utiliser des châssis ou disposer des cartons au-dessus des plants, l’essentiel étant de créer une opacité suffisante.
Précautions importantes
Avant de commencer le blanchiment, assurez-vous qu’aucune limace ne s’est installée dans le cœur. Ces mollusques se font un plaisir de dévorer les feuilles tendres sous la protection. Laissez passer l’air sous les protections pour éviter l’humidité stagnante qui provoque des maladies cryptogamiques, particulièrement dangereuse en cas de gelée.
Blanchissez au fur et à mesure des besoins, car une chicorée blanchie se conserve moins longtemps qu’une chicorée non blanchie. Cette organisation évite le gaspillage et assure des légumes toujours au maximum de leur qualité gustative.
Récolte et conservation
Période et technique de récolte
La récolte intervient environ 6 semaines après le semis pour les conditions optimales, jusqu’à 3-4 mois pour la scarole en cas de croissance ralentie. Comptez généralement 90 jours entre le semis et la récolte.
Effectuez la récolte au fur et à mesure des besoins, de préférence le matin. Coupez le pied au collet sous les feuilles avec un couteau bien affûté ou un sécateur. Il est également possible de cueillir feuille par feuille, comme pour les laitues à couper, les plantes récoltées jeunes étant moins amères et plus tendres.
Prolongement de la saison de récolte
Les chicorées résistent bien aux premiers froids, permettant des récoltes tardives en automne et début d’hiver. Couvrir les plantes d’un voile de forçage P17 ou P30 lorsqu’il fait froid permet de prolonger significativement la période des récoltes.
Cette rusticité remarquable fait des chicorées des légumes précieux pour assurer la continuité des récoltes de salades lorsque les laitues ont disparu du jardin.



Conservation
Les feuilles se conservent au frais pendant 2-3 jours, légèrement plus longtemps que la laitue. Pour une conservation prolongée, les chicorées peuvent être blanchies avant d’être congelées, permettant une conservation maximale de 6 mois.
Conservez-les au réfrigérateur dans le bac à légumes, enveloppées dans un linge légèrement humide ou dans un sac perforé pour maintenir une hygrométrie convenable sans créer de condensation.
Maladies et ravageurs
Principaux ravageurs
Mollusques
Les limaces et escargots constituent les principaux ennemis des chicorées, particulièrement des jeunes semis. Surveillez-les tout au long de la culture et luttez contre ces ravageurs de façon écologique en installant des murailles anti-limaces ou en favorisant les auxiliaires naturels.
La surveillance s’intensifie lors du blanchiment, période où les mollusques trouvent des conditions idéales sous les protections opaques.
Autres ravageurs
Les noctuelles terricoles attaquent parfois les premières feuilles et le collet. Recherchez et supprimez manuellement les larves lors des binages. Les oiseaux, particulièrement les merles, peuvent remuer le sol et déterrer les jeunes plants, surtout en présence de paillage. Un voile de protection temporaire résout généralement ce problème.
Principales maladies
Pourriture grise (Botrytis)
La pourriture grise, causée par le champignon Botrytis cinerea, constitue la principale menace sanitaire. Elle se développe dans des conditions d’humidité stagnante, particulièrement entre 15 et 20°C. Les symptômes se reconnaissent par des feuilles ramollies, brunâtres et un cœur devenant noir.
La prévention passe par l’évitement des semis trop denses, des arrosages en fin de journée et la suppression immédiate des organes touchés. Ce champignon se développe préférentiellement sur les tissus affaiblis ou étiolés, profitant des blessures ou des conditions de culture défavorables.
Autres maladies cryptogamiques
D’autres champignons peuvent affecter les chicorées : Sclerotinia sclerotiorum (moisissure blanche), Cercospora, Alternaria et Septoria (brûlures foliaires). Ces pathogènes se développent généralement dans des conditions similaires à celles du botrytis : humidité excessive et mauvaise circulation d’air.
Prévention et lutte
La prévention reste la meilleure stratégie contre les maladies et ravageurs. Respectez les rotations culturales en attendant 2-3 ans avant de replanter chicorées au même endroit. Évitez les semis trop denses qui favorisent l’humidité stagnante. Assurez une bonne circulation d’air et évitez les arrosages tardifs.
Ne compostez jamais les parties infectées qui pourraient propager les maladies. Éliminez-les plutôt par incinération ou évacuation avec les déchets ménagers.
Rotation des cultures et planification
Respectez un délai de 2-3 ans avant de replanter frisée et scarole au même emplacement. Cette rotation culturale limite l’accumulation des pathogènes spécifiques et préserve la fertilité du sol.
Intégrez les chicorées dans un plan de rotation incluant des légumes de familles différentes : légumineuses (haricots, pois) qui enrichissent le sol en azote, crucifères (choux, radis) aux besoins nutritifs différents, et ombellifères (carottes, persil) qui exploitent d’autres horizons du sol.
En guise de conclusion
Ces légumes d’automne et d’hiver méritent une place de choix dans votre jardin potager. Leur culture relativement simple, leur résistance au froid et leurs qualités gustatives en font des alliés précieux pour diversifier les récoltes et prolonger la saison des salades fraîches bien au-delà des dernières laitues estivales.
Bonne culture à tous et toutes et profitez bien de vos laitues hivernales. Bon appétit !